Déconstruction masculine - Lève toi t’es pas une fille ! #2
Dans ce petit billet, je vais vous raconter comment mon logiciel masculin a été développé de telle sorte à ce que toute ma vie, je puisse me sentir supérieur par nature.
C’est un samedi après-midi de septembre 2000, j’ai 9 ans lorsque l’un de mes adversaires au football me tacle violemment à terre. La population réunie au bord du terrain s’agite, mon papa alors entraîneur de football pense que j’ai la jambe cassée. Au loin, j’entends une voix, grave, c’était le père d’un de mes camarades de ballon. « Mais lève-toi bordel ! T’es quand même pas une fille non ? » Voilà d’où provient l’ego masculin, voilà d'où démarre le sexisme ordinaire.
Force mentale VS Force physique
Comme si la douleur était honteuse, donc réservée aux femmes qui n’auraient prétendument pas la force mentale & physique pour encaisser un tel choc. À 9 ans, j’étais épais comme un câble de chargeur d’Iphone et la majorité des filles de mon âge commençaient leurs pubertés, elles étaient donc bien plus fortes physiquement que moi. De plus, quand on imagine (et on imagine seulement à travers les différents témoignages) ce que les femmes subissent à l’accouchement (j’embrasse ma sœur ;)), il est difficile de comprendre sur quoi ces idées sont fondées.
Aucune étude scientifique ne prouve la supériorité mentale des hommes par rapport aux femmes (oui, j'ai cherché dans les fins fonds de l'internet des internets). Quand je vois le parcours de vie de ma mère, j’aurais même plutôt tendance à affirmer l’inverse. Quant à l’importance de la force physique des hommes dans une société comme la nôtre, elle est largement surévaluée. J’y reviendrai plus tard dans un article consacré à la place des hommes dans la société moderne.
La femme est le meilleur exutoire de l’homme
D'un point de vue purement sociologique et sans rentrer dans le détail des rapports de domination entre les différents groupes sociaux, le besoin de rabaisser un individu ou un groupe d’individus sont la traduction de différents mal-être potentiels provenant de l’émetteur (nospensees.fr) que l'on regroupe de la façon suivante :
- Le sentiment d’infériorité
- L’insatisfaction envers soi-même
- Le besoin d’être intégré à une communauté
- La vengeance et la lâcheté
- Le narcissisme et l’égocentrisme
Cela pourrait donc provenir d’un problème existentiel plus profond chez l’homme. L’aspect supérieur masculin est en réalité pour la plupart des hommes, un déguisement pour leur sentiment d’infériorité et un moyen pervers de renouer avec leur confiance. « Le complexe d’infériorité s’explique par un manque considérable du sentiment de communauté. Ainsi le complexe d’infériorité serait une conséquence des sentiments d’infériorité normaux, lorsqu’ils n’ont pas pu être compensés ou lorsque des échecs existentiels ont fixé ces sentiments, ceci dans un contexte de solitude morale ou de rejet social. » (Roger Mucchielli, 1994)
En clair, souvent des hommes rejetés par des femmes et il suffit de suivre les incels sur les forums ou sur Twitter pour comprendre à quel point ce phénomène est profond. Notre société a placé "la conquête féminine" à un tel niveau et la pression sociale pour les jeunes garçons est telle que souvent la réalité laisse place à énormément de frustration. Tu ne fais pas partie des "mâles Alpha" si tu ne plais pas assez, tu n'es donc pas assez "viril", tu es donc au sein de ton propre groupe social tout en bas de l'échelle. À défaut de remettre ses propres codes sociaux en question, il faut trouver un coupable, il est donc tout désigné.
J'ai moi-même passé mon adolescence à essayer d'enchaîner les "conquêtes féminines" pour prouver à mes potes, à ma meute que j'étais digne d'être "un leader (en carton)". J'avais juste quelque chose à leur prouver. Avec le recul, c'était une vision erronée des rapports sociaux qui existent entre les hommes et les femmes et un manque cruel d'éducation. Voilà pourquoi je pense que l'égalité devrait commencer très tôt sur les bancs de l'école. Paradoxalement, les inégalités homme/femme commencent toujours par une guerre entre deux zizis.
Pour les autres, le fait de dire à un petit garçon de 9 ans, « lève-toi, t’es pas une fille » pourrait simplement se révéler du mimétisme. Nous l’avons tous déjà entendu et peut-être même que certaines femmes réutilisent ces propos. Cette idée est tellement rentrée dans les moeurs, que ça ne choque pas. J'essaie de me mettre à la place de toutes les mères de mes potes au bord du terrain ce jour là et je trouve ça d'une violence extrême.
J’ai certainement relayé par le passé et je relaie certainement encore par mimétisme des mythes très peu glorieux. Dans mon cheminement vers la déconstruction masculine, c’est mon rôle aujourd’hui d'essayer d’arrêter d’entretenir ces mythes en interdisant aux autres de dire aux petits garçons : « Lève toi, t’es pas une fille ».
Mucchielli, R. (1994). Les complexes personnels connaissance du problème, applications pratiques. France : Esf.
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