Déconstruction masculine - C’est bon... c’est pas très grave. #3
« C’est bon... c’est pas très grave.» C’est la réponse que j’ai donnée à mon ex petite amie qui venait de se faire harceler dans la rue avant de rentrer chez moi. Comme elle était très belle, j’imaginais naïvement que c'était le lot de ce genre de femmes.
En France, 86% des femmes ont déjà été confrontées à du harcèlement de rue (IFOP, 2018).
Pas harceleur, mais complice
Je ne fais pas partie de cette catégorie d’hommes qui prennent un malin plaisir à harceler les femmes dans la rue. D’une part, il faut se l’avouer, j’ai trop peu de courage pour aborder une femme dans la rue ou même dans un bar. D’autre part, ne dit-on pas que la liberté individuelle s’arrête lorsque cela empiète sur celle des autres ? J'ai horreur des gens qui me touchent en soirée pour me parler et encore plus de ceux qui entrent dans mon intimité sans mon consentement (les restes de l'enfant introverti que j'étais). Donc, je comprends qu'une partie des gens ressentent cela comme une agression.
En revanche, j’en ai été complice. Complice car quand mon ex petite amie est rentrée chez moi tremblotante, je n’ai pas su me mettre à sa place. Je me suis imaginé moi, en tant que mec, me faire harceler par une fille. Oui, ça m’est arrivé qu’une grosse beauf me dise dans la rue : « hey t’as un beau cul ». C’était tellement un non-événement et la fille était tellement claquée au sol mentalement que je n’ai même pas relevé. Au mieux, cela aurait pu flatter mon égo. Mon tort, c’est d’avoir cru que les femmes vivaient plus ou moins la même chose.
Alors, pourquoi c’est pas pareil ?
Je pense qu’il y a deux composantes majeures, la fréquence et le consentement. Les hommes et les femmes ne sont pas que des objets sexuels, mais d’un point de vue sociologique, le sexe est tout de même un besoin primaire autour duquel se construit notre société. « Sex is a basic human need whether or not you live with chronic illness » (creakyjoints.org). C’était d’ailleurs l’un des premiers chapitres de mes cours de « behavior consumer » en sciences du marketing.
Les femmes ont trop longtemps été considérées comme des objets purement sexuels, reproducteurs et ce, depuis la genèse même des religions monothéistes majeures qui ont façonné nos différentes sociétés modernes et nos structures de pensées. Nous héritons déjà du fait acquis que les femmes sont là pour assouvir nos besoins sexuels et mettre au monde notre descendance, masculine si possible. Pour nous, il n’y a donc pas de limite à la recherche d’une partenaire sexuelle. C’est le premier point, la fréquence.
Ensuite, il y a l'éducation. Une femme qui s’habille de manière jugée "trop sexy" (encore faudrait-il définir ce que cela veut dire concrètement) devrait tout à fait le droit de porter ce qu’elle désire, sans craintes, sans reproches, même si l'on juge personnellement que c'est de mauvais goût (les claquettes chaussettes aussi en vrai) et à mon sens, cela vaut pour tout le monde, quel que soit le sexe. C’est un sentiment humain de se sentir bien, beau, plaisant, attirant, nous sommes des êtres sociaux avant tout et c’est surtout personnel. Cela ne nous donne ni l’autorisation de nous comporter comme des prédateurs sexuels dignes des tyrannosaures de Jurassic Park, ni de faire la sourde oreille lorsque la réponse est non. C'est le deuxième point, le consentement parfois bafoué.
Sentiment d'insécurité permanent
Certains hommes se servent de leur supériorité physique pour imposer leurs désirs, tout en bafouant le consentement. J'entends ceux d'entre vous qui me disent : "C’est pourtant le jeu de séduction de paraître fort, grand, imposant et musclé. Les femmes préfèrent les hommes grands et forts." Si l'on en croit l'étude sérieuse menée conjointement par la Rice University et la North Texas University, il semblerait que ce soit plutôt vrai. À la question, un homme plus petit que vous peut-il vous plaire ? La plupart des femmes répondent "non". Dans une de leurs conclusions, nous pouvons même lire selon eux que "dans une société qui encourage les hommes à être dominants et les femmes à être soumises, l'image des hommes grands qui dépassent les petites femmes renforce cette conception". Le rapport de domination tel qu'il est perçu aujourd'hui renforce peut-être le mythe de la domination masculine. N'ayant pas les compétences, ni la prétention de parler à la place des femmes, je préfère laisser chacun d'entre vous tirer ses propres conclusions/interprétations de ce genre d'étude (J'ai vu plusieurs études empiriques sérieuses abondant dans le même sens). Est-ce la société patriarcale qui définie les standards de séduction masculine ou est-ce simplement anthropologique ?
Quand bien même, où se situe la limite ? Elle intervient à partir du moment où l’on se sert de nos attributs physiques pour imposer notre présence à une femme qui nous a dit non. La différence se situe dans le choix, entre le "je propose" et le "j'impose". Dans la société actuelle, la supériorité physique masculine est à la fois un élément de séduction majeur (évidemment, c'est une généralité, nous pourrons trouver des tas de contre-exemples) et l'élément de soumission suprême dont se servent certains hommes pour justifier leur supériorité. Là est toute l'ambiguïté de la question pour le moment, quand je veux séduire, je bombe le torse. C’est ce qui selon moi, créé l’insécurité permanente. À aucun moment je ne me suis senti menacé par cette femme qui m’a interpellé dans la rue, mais si le rapport de force physique était inversé, si sa présence m’était parue plus pesante et malsaine, peut-être aurais-je eu peur d'être considéré constamment comme une proie potentielle face à des prédateurs dangereux.
Je n’omets pas la grande misère sexuelle de certains hommes, écartés de tout jeu de séduction. Les hommes sont également victimes du patriarcat et des standards qu'il impose. Est-ce une raison pour imposer nos désirs par la force ? Nos frustrations personnelles ne devraient jamais déborder sur la vie d’autrui de manière générale. En y repensant, c'était bien plus grave que ce que je pensais.
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